Interview : Corinne Moreau, Directrice générale de Promosalons (Basé à Lille)
Corinne Moreau, Directrice générale de Promosalons
Où en est le retour de l’activité des salons internationaux par rapport aux niveaux d’avant-crise ?
Corinne Moreau – Il y a encore un retard de 10 à 20% par rapport à 2018 en ce qui concerne les salons internationaux. Ce n’est pas spécifique à la France d’ailleurs. Les Allemands, qui sont nos principaux concurrents, avec une dimension encore plus internationale – et des moyens de communication et de promotions largement supérieurs – étaient encore l’an dernier à moins 30%, contre 20% pour la France. Et aujourd’hui encore, les Allemands ne revendiquent pas un retour aux niveaux de 2018.
Je ne sais pas si on retrouvera un jour complètement les niveaux d’avant-crise. Peut-être faut-il d’ailleurs se dire que ce n’est pas si grave. Nous avons toujours prôné avant tout la qualité du visitorat
L’année 2024 sera-t-elle celle du retour à ces niveaux d’avant-crise ?
Corinne Moreau – On va progressivement revenir en 2024 à de meilleurs scores. Mais il y a des habitudes personnelles et professionnelles de déplacement, des comportements, qui ont beaucoup changé. Je pense notamment aux politiques de voyages. Il y a aussi les prix, pour le transport, l’hébergement, et tout un tas de facteurs d’inflation… Le télétravail a également une influence. Je ne sais pas si on retrouvera un jour complètement les niveaux d’avant-crise. Peut-être faut-il d’ailleurs se dire que ce n’est pas si grave. Nous avons toujours prôné avant tout la qualité du visitorat.Globalement, je pense qu’il faut arrêter, en particulier dans notre secteur, de ne raisonner qu’en pourcentages. On est bien sûr obligés de regarder les chiffres visiteurs et exposants. Mais il faut aller au-delà. Par exemple, Promosalons a été en charge l’an dernier du programme « Top Acheteurs«. Il s’agissait de 40 invités par salon, pas 2000 ! Ce programme a été excellement bien reçu par les organisateurs et par les exposants. Quand vous faites venir un « top acheteur » avec de gros programmes d’achat, et que l’exposant a fait du salon un succès en un rendez-vous, c’est gagné ! Et quand le top acheteur a été fidélisé, c’est un phénomène sur le long terme.
Comment a évolué la stratégie internationale des salons français ?
Corinne Moreau – A la sortie de la crise, les organisateurs se sont recentrés sur une promotion européenne, partant notamment du principe que le marché chinois était fermé. Ils sont en train d’étendre à nouveau leur promotion internationale. Ce n’est pas le cas de tous les salons d’ailleurs : le Salon de l’aéronautique par exemple n’a pas arrêté de parler à la Chine pour préparer l’édition de juin 2023. A raison : des exposants et des visiteurs chinois ont fait le déplacement !
2024 sera une année excessivement forte, notre plus grosse année je dirais depuis 20 ans
L’année 2023 a été marquée par la hausse des prix. Le secteur des salons a-t-il été aussi impacté ?
Corinne Moreau – Cela a surtout concerné les transports et l’hébergement. Quand on voit comment le prix des hôtels a flambé, il ne faut pas s’étonner après d’avoir moins de visiteurs… Le prix des surfaces sur le salons n’a pas tant augmenté que ça. L’inflation s’est limitée à 2 ou 3%. La part des dépenses directement liées au salon lui-même a sensiblement reculé par rapport à celle du transport et les hébergements.
Comment se présente 2024 en termes de calendrier ?
Corinne Moreau – 2024 sera une année excessivement forte, notre plus grosse année depuis 20 ans. Cela s’explique par les cycles biennaux : les années paires sont réputées plus fortes pour les salons internationaux, et des événements biennaux impairs qui n’avaient pas pu se tenir en 2021 se sont tenus en 2022. Nous serons donc sur 60 salons promus en 2024. C’est énorme, c’est même rarissime. Le secteur des salons va donc apporter énormément en termes de tourisme d’affaires en 2024. Et tous les organismes, les ministères, les institutions qui s’occupent du commerce extérieur et du tourisme, doivent donc s’intéresser très sérieusement au secteur des salons professionnels.
Quelle place reste-t-il pour l’hybride en 2024 ?
Corinne Moreau – Pendant la crise, il fallait bien « occuper le terrain ». Mais aujourd’hui les événements hybrides sont très minimes. Même en Allemagne, l’hybride a été peu adopté, moins qu’en France même. On voit bien que ce que les gens viennent chercher sur les salons c’est du contact réel, de l’expérience. En revanche l’aspect hybride peut faciliter la communication en amont, et pour un salon qui intègre des cycles de conférences qualitatives, cela permet de les visionner à distance, sous certaines conditions, et de faire connaître la marque.
Le télétravail a-t-il eu un impact sur la géographie des salons, leur calendrier ?
Corinne Moreau – Non, pas pour l’instant en tous cas. La localisation n’a pas changé. Ce qui peut évoluer, c’est qu’un déplacement sur un salon à l’étranger doit maintenant s’intégrer dans une semaine déjà impactée par deux voire trois jours de télétravail, et ça laisse peu de place au bureau. Les salariés et les entreprises vont donc devoir faire des choix, peut être en réduisant la taille des équipes envoyées sur un salon. D’autant qu’il y a aussi l’effet RSE. Les politiques de déplacement des entreprises intègrent ces sujets bien plus qu’auparavant, et les salons doivent donc en faire autant. Peut-être faudrait-il étudier si la participation à un salon peut constituer une économie carbone pour l’entreprise, en concentrant les rencontres d’acheteurs internationaux en un même lieu, plutôt que sur des déplacements au cas par cas. Bien sûr, je prêche pour ma paroisse, et je ne nie pas qu’un salon génère une empreinte carbone. Mais il faudrait mesurer tout ça.
Une note de synthèse Promosalons décrit l’empreinte environnementale d’un salon comme « un critère non négligé, mais encore non décisif » pour les entreprises…
Corinne Moreau – C’est effectivement ce qui est ressorti de l’étude menée auprès de 700 entreprises dans une vingtaine de pays : l’aspect RSE ne s’avère prioritaire que pour 5% des entreprises au global. C’est donc vraiment négligeable pour le moment. Mais si l’on regarde les données plus finement, il y a des écarts majeurs entre les pays. Dans certains marchés, seul le ROI compte. Alors que dans un pays comme l’Allemagne, les acheteurs sont particulièrement sensibles à cette problématique. Il faut en tenir compte, d’autant que les salons français sont loin d’être en retard sur ce sujet. Malgré tout, le vrai sujet pour tous, c’est bien de réduire cette empreinte carbone. Quoi qu’il arrive, il faudra donc probablement faire venir moins de gens, et s’appuyer sur le digital apporter des choses qui soient pas uniquement centrées sur le déplacement.
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